Mangas : premier RDV avec les Dames de Tchatehoué

Maman arrive de Cotonou, et dans le coffre du taxi : les mangas !! Super super : juste le temps de finir mon sac en y glissant une vingtaine de mangas et d’enfourcher mon vélo direction Tchatehoué ! 

Arrivée à l’école, les traditionnels « Bonsoir ! Bonne arrivée ! grands sourires » éclosent au fur et à mesure des apparitions. Ouverture de la porte, « Bonsoir ! Bonne arrivée ! grands sourires », petit époussetage des tables et des bancs, chaussures déposées à l’extérieur, « Bonsoir ! Bonne arrivée ! grands sourires », petits trésors glissés dans le sac-paquet cadeau sorti du sac, les prénoms écrits au tableau, et voilà le grand moment arrivé.

Elles sont peu nombreuses, car aujourd’hui, c’est le marché à Azové, la ville voisine, et elles ont pour habitude de s’y rendre pour y vendre leurs récoltes.

Peu importe, les présentes auront quand même le droit à leur surprise. Je leur explique très succinctement le projet, leur parle aussi d’Hélène et de sa sœur qui ont eu la générosité de nous confier tous ces ouvrages, des autres personnes qui ont permis à ces mangas d’être avec elles aujourd’hui, de la route qu’ils ont parcourus. Une traduction est faite en adja pour que la plus grande part du message passe. Introduction faite, ça y’est, c’est le Moment.

Je dépose le sac-paquet cadeau sur une table devant, je m’éloigne d’environ 5 mètres, j’allume mon appareil photos, et j’attends. Elles sont surprises … elles me regardent, je les regarde, elle hésitent. Elles me reregardent, je ne bouge toujours pas et je continue à les observer … un sourire se dessine, c’est Simone. Elle prend l’initiative de soulever un côté du sac pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Elle sort un livre, puis deux, puis trois,  etc. Les autres osent elles aussi s’approcher et regarder.  Les livres commencent à être touchés, observés de plus près, puis ouverts. Les premières réactions sont empreintes de grande perplexité. C’est un type de livres qu’elles ne connaissent pas, et voyant leurs attitudes, elles n’auraient certainement pas imaginé leur existence. Elles essayent de comprendre le fonctionnement, elles cherchent, tâtonnent, mais je sens que quelque chose bloque. Je vais donc montrer à une dans quel sens se lit le manga, dans quel ordre se lisent les cases à l’intérieur, etc. Les autres tendent l’oreille. ça y’est, elles se posent et commencent à regarder en étant un peu plus rassurées. Deux des femmes présentes ce jour sont de « petites lectrices », elles commencent donc à déchiffrer, bulle après bulle. Les images incitent effectivement à lire.

Je les laisse un large quart d’heure en bonne compagnie, puis nous reprenons notre cours, les mangas sont alors déposés soigneusement par chacune dans un coin de leurs tables respectives.

La porte est elle restée ouverte, comme toujours. Des enfants et des adolescents passent donc fréquemment le seuil par curiosité. Aujourd’hui, plusieurs ont découverts eux aussi les mangas et se sont montrés vraiment intéressés. Ne souhaitant pas que les mangas soient distribués dans tous les sens et à tout va, l’obligation leur est donc faite de les lire dans le local, des places étant disponibles au fond de la salle. D’ici à samedi, le message aura « fait le tour », je ne me fais aucun souci. Temps que les curieux ne dérangent pas le cours, ils sont les bienvenus et ont la liberté d’aller et venir pour lire… la curiosité étant un bien joli défaut. J

Le cours est terminé. Les Dames ont elles, contrairement aux plus jeunes, la possibilité d’emprunter un manga et de l’emmener chez elles. L’unique contrainte que je leur pose est de le rapporter au cours suivant. Aujourd’hui, toutes sauf une sont reparties avec un manga accompagnant leur cahier sous le bras.

Le premier RDV s’est bien passé. J

RDV samedi pour le prochain !

PS : Pour ce qui est de l’orientation dans le manga même, je ne suis pas inquiète car j’observe dans les villages des compétences spatiales vraiment impressionnantes. Exemple : avez-vous déjà vu une personne abordant tout juste l’écriture (depuis un peu plus de 2 semaines), quelques minutes à peine après avoir fini de mémoriser le sens des lettres de son prénom les unes par rapport aux autres, être capable d’écrire spontanément son prénom dans plusieurs envers simultanément sans aucune erreur (pour lire son prénom dans les bons sens, il fallait se mettre face à elle, et le lire dans une glace) ? Moi, je n’avais jamais vu ça avant en France. Ici, il y a un nombre non négligeable d’exemples de ce type.